Les services d’eau et d’assainissement jouent un rôle vital dans la société. Leur caractère critique en fait des cibles de choix pour divers attaquants, qu’il s’agisse de cybercriminels à but lucratif ou d’acteurs étatiques cherchant à déstabiliser. Dans une note datée du 28 novembre 2024, le CERT-FR (Anssi) alerte sur le manque de protection de certains services d’eau et d’assainissement. Ces menaces ne sont pas seulement le fruit d’opportunités isolées : elles résultent souvent d’une planification minutieuse visant à exploiter les failles technologiques et organisationnelles de ces infrastructures. Les motivations peuvent varier, allant du gain financier à l’affaiblissement des systèmes critiques d’un adversaire étatique. En outre, l’importance croissante des technologies connectées rend ces services encore plus vulnérables aux cyberattaques sophistiquées.
Pourquoi les services d’eau sont vulnérables
La complexité et la criticité des services d’eau les placent parmi les infrastructures les plus vulnérables. Ces services combinent des systèmes physiques et digitaux qui sont souvent interconnectés, rendant la surface d’attaque vaste et difficile à protéger. En outre, les cybercriminels exploitent les moindres failles, qu’elles soient techniques ou organisationnelles, pour infliger des dommages considérables, perturbant des fonctions essentielles à la société.
- Obsolescence des équipements : De nombreuses infrastructures sont anciennes et peu adaptées aux menaces modernes.
- Interconnexion des réseaux : L’usage croissant de la télégestion et de l’Internet des objets (IoT) augmente la surface d’attaque.
- Faibles investissements en cybersécurité : Les budgets alloués à la sécurité des systèmes d’information restent limités, notamment pour les petites structures.
Les principaux types de cyberattaques dans le secteur de l’eau
Les attaques à des fins lucratives
Avant même d’explorer les exemples récents, il est crucial de comprendre que ces attaques exploitent des failles organisationnelles et techniques pour maximiser leurs gains. La diversification des techniques employées, comme le hameçonnage ou l’exploitation de vulnérabilités logicielles, reflète une professionnalisation croissante des cybercriminels.
- Exemples de rançongiciels récents : Plusieurs collectivités et entreprises du secteur ont été touchées par des rançongiciels tels que Lockbit ou Qilin.
- Coût des remédiations et des rançons : Les rançons demandées peuvent atteindre plusieurs millions d’euros, mettant en péril les finances des entités visées.
Les attaques à des fins de déstabilisation
Ces attaques visent non seulement à perturber le fonctionnement des infrastructures critiques, mais également à semer le doute et la peur au sein de la population. En jouant sur l’importance vitale de l’eau, les attaquants cherchent à atteindre une visibilité maximale tout en fragilisant la confiance envers les services publics.
- Hacktivisme et opérations géopolitiques : Des groupes comme Cyber Army of Russia (Reborn) ont exploité des failles pour déstabiliser les infrastructures critiques.
- Impact sur les Jeux Olympiques 2024 : Le ciblage des installations en lien avec l’eau de la Seine illustre la vulnérabilité accrue pendant les événements majeurs.
Les attaques à des fins d’espionnage
Les cyberattaques d’espionnage ciblent souvent des infrastructures vitales pour accéder à des informations stratégiques ou préparer des actions malveillantes futures. Dans le secteur de l’eau, ces actions mettent en lumière l’interconnexion entre les systèmes informatiques et les risques de surveillance prolongée par des acteurs malveillants.
- Prépositionnement stratégique : Des groupes soutenus par des États utilisent les systèmes d’eau comme portes d’entrée pour des opérations futures.
- Ciblage des opérateurs sensibles : Les entreprises françaises implantées à l’étranger peuvent être particulièrement exposées.
Conséquences des cyberattaques sur les services d’eau
Les cyberattaques contre les services d’eau ont des répercussions profondes sur la société, touchant non seulement les opérations des infrastructures critiques, mais aussi la confiance des citoyens et les finances des organisations concernées. Ces incidents mettent en évidence la nécessité d’une cybersécurité accrue dans ce secteur vital.
Impacts opérationnels
- Interruption des services : Des attaques peuvent paralyser la distribution ou le traitement de l’eau.
- Dégradation de la qualité de l’eau : La manipulation des systèmes peut compromettre les standards de potabilité.
Répercussions économiques
- Coût des réparations : La restauration des systèmes et la mise en conformité peuvent engendrer des dépenses considérables.
- Perte de confiance des utilisateurs : Une attaque peut durablement affecter la perception des usagers.
Risques pour la santé publique
La compromission des systèmes de traitement de l’eau peut entraîner des conséquences graves, telles que des contaminations. En effet, une attaque ciblant les systèmes de contrôle automatisés peut permettre aux attaquants de modifier les paramètres de traitement, compromettant ainsi la qualité de l’eau distribuée. De telles situations peuvent non seulement provoquer des crises sanitaires majeures, mais également engendrer une perte de confiance envers les services publics. Les responsables d’infrastructures doivent donc redoubler d’efforts pour protéger ces systèmes vitaux.
Les recommandations pour renforcer la cybersécurité
Renforcer les infrastructures
Avant de passer à des actions concrètes, il est essentiel de réaliser un audit approfondi des infrastructures existantes pour identifier les points faibles. Ces audits permettent de définir les priorités en termes de modernisation et de sécurité, tout en impliquant les acteurs locaux dans les prises de décision. Ils servent également de base pour prévoir les investissements nécessaires sur le long terme.
- Modernisation des systèmes : Investir dans des équipements récents et certifiés.
- Sécurisation des protocoles industriels : Intégrer des standards comme OPC-UA avec chiffrement.
Sensibiliser les acteurs
Avant toute chose, sensibiliser les acteurs du secteur de l’eau et de l’assainissement est un prérequis fondamental pour renforcer la cybersécurité. Cela implique une responsabilisation collective, allant des opérateurs terrain aux décideurs stratégiques, sur les conséquences potentielles des cyberattaques. Une prise de conscience accrue est nécessaire pour intégrer une culture de la prévention.
- Formation des employés : Apprendre à détecter et à réagir aux menaces.
- Mise en place de politiques de sécurité strictes : Limiter les accès et contrôler les droits.
Collaborer avec les institutions
Les institutions jouent un rôle central dans la protection des infrastructures critiques. En plus de définir les cadres réglementaires, elles doivent agir comme des catalyseurs de coopération entre les différents acteurs. Les partenariats public-privé, soutenus par des initiatives comme celles de l’ANSSI, permettent d’améliorer la résilience globale des systèmes tout en mutualisant les ressources et les expertises.
- Rôle de l’ANSSI et des collectivités locales : Renforcer la réglementation et le partage d’informations.
- Intégration de la cybersécurité dans les DSP : Ajouter des clauses spécifiques pour les opérateurs privés.
Perspectives d’avenir pour le secteur
Vers une gouvernance plus robuste
La centralisation des compétences et une meilleure coordination des acteurs pourraient réduire les risques. En rassemblant les expertises au sein d’un cadre unifié, les opérateurs seraient en mesure d’échanger des bonnes pratiques et de réagir plus rapidement en cas de menace. Une gouvernance centralisée permettrait également de rationaliser les investissements, tout en garantissant une uniformité dans les politiques de cybersécurité.
Intégration des nouvelles technologies de manière sécurisée
Adopter le « security by design » pour l’IoT et la télégestion, tout en préservant la continuité des services. Cela implique de prendre en compte la cybersécurité dès la conception des infrastructures, en intégrant des protocoles robustes et des dispositifs de détection précoce des intrusions. La collaboration avec des spécialistes en cybersécurité et le recours à des audits réguliers assureraient une mise en œuvre efficace et durable des technologies.
Conclusion : une vigilance de tous les instants
La cybersécurité des services d’eau et d’assainissement est une priorité absolue pour préserver la sécurité publique et garantir la continuité de ces services essentiels. En raison de leur importance vitale, ces infrastructures sont des cibles de choix pour les cybercriminels, ce qui exige une mobilisation constante des parties prenantes. L’investissement dans des systèmes modernes doit être complété par une mise à niveau régulière pour s’adapter à l’évolution des menaces. Par ailleurs, la formation continue des acteurs, qu’ils soient techniques ou décisionnels, est essentielle pour créer une résilience collective. Enfin, une collaboration renforcée avec les institutions nationales et internationales constitue un pilier fondamental pour mutualiser les ressources et harmoniser les bonnes pratiques, réduisant ainsi de manière significative les risques potentiels.